QUEER – Marginal et Merveilleux
Après le déchirant ‘Call Me By Your Name’, le sanglant et excellent ‘Bones and All’ et bien sur après l’acclamé ‘Challengers’, le réalisateur italien Luca Guadagnino revient en force avec le déroutant ‘Queer’. Dans le Mexique des années 50, Lee (Daniel Craig) écrit et fréquente des bars gays, jusqu’à faire la rencontre d’Allerton (Drew Starkey), qui deviendra une obsession et une rencontre autant passionnée que douloureuse, manquant de réciprocité.

Adaptation du roman éponyme de Burrough, Queer est l’errance d’un personnage, bloqué dans une routine constante : fumer des cigarrettes, fréquenter des bars queers, se droguer, et coucher avec des inconnus. La rencontre d’Allerton vient briser cette routine que Lee avait besoin de fuir. Le métrage dégage une poésie constante, sublimée par la musique de Trent Reznor et d’Atticus Ross, dont le travail depuis Challengers ne cesse de nous émerveiller. L’ennui, les actes répétés, et les déambulations des personnages dans cette “ville décor” dégage une atmosphère unique, poussant vers l’onirique et le fantastique par des rêves et fantasmes, cristallisé par le désir de Lee envers son amour impossible. Craig épouse son rôle à merveille, et Starkey représente bien le fantasme inatteignable, avec son air mesquin et désintéressé, jouant avec Lee et ses sentiments, et par la même occasion ceux des spectateurs, avides d’un rapprochement ou d’une évolution dans cette romance malsaine.
Le récit en vient aussi à s’éloigner de la ville Mexicaine pour proposer tout autre chose : un voyage onirique à la recherche d’une substance mystérieuse. Cela amène une autre ambiance au récit et tire en longueur de temps à autre, mais permet de renforcer l’aspect mystique du long-métrage. Guadagnino nous propose un véritable voyage, autant géographique que spirituel. Il brise le personnage de Craig pour proposer une expérience hors du commun et hors du temps au spectateur, dans la réalité pourtant bien ancrée des expatriés au Mexique des années 1950. Des plans défiants la physique et la réalité restent collés à nos rétines, reflétant bien sur les effets de la drogue sur le personnage pour les faire vivre aux spectateurs, aussi bien troublés que impressionnés.
Mexique, années 50, mais le tout filmé dans les studios de la Cinecittà à Rome. Nous décelons ce décor, il nous apparaît clairement comme factice et artificiel, et c’est exactement cela qui ancre le personnage de Daniel Craig dans une prison à ciel ouvert, et permet d’apporter toute cette ambiance étrange et irréelle. Un parti pris dangereux, mais qui porte ses fruits, la partie dans la ville étant la meilleure partie du long-métrage.

Queer, de Luca Guadagnino, est ainsi un récit surprenant, aussi bien réel qu’onirique, aussi bien vécu que fantasmé. Craig porte l’amour de son partenaire à l’écran, et Guadagnino porte l’amour de son film, et de ce sujet aussi important que beau, l’identité des marginaux.
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