Saint-Ex : Un paysage glacé pour un ennui glacial
Après Les Sorcières d’Akelarre (2021), qui avait été reçu de manière plutôt positive, Pablo Aguëro revient en 2024 avec Saint-Ex, traitant d’Antoine de Saint-Exupéry (Louis Garrel) en 1930, lorsqu’il travaille en tant que pilote à l’Aéropostale en Argentine, accompagné de son ami Henri Guillaumet (Vincent Cassel). Nous voyons comment l’imaginaire de Saint-Exupéry l’aide à surmonter les épreuves qui lui apparaissent, dans un film à la volonté épique et bouleversante, mais qui n’a d’intéressant uniquement sa scène d’introduction.
L’introduction nous jette en plein cœur de l’action, avec un vol d’avions en pleine tempête, témoignant des dangers de l’air et de la mer, montrant un Saint-Exupéry ingénieux qui, par ses dessins, arrive à mieux visualiser le monde pour s’en sortir, dans une scène couverte de musique épique, brouillant ainsi la frontière entre fiction et réalité. On reconnaîtra avec plaisir de nombreuses références à toute l’œuvre de l’auteur, comme le l’éléphant dans le serpent, formant étrangement un chapeau (Le Petit Prince), étant une île dans le long-métrage. Éléments fictifs ou réels, Saint-Ex est une tentative de prémisse poétique à ce qui aura inspiré l’œuvre du génie. Certains moments de monologues internes de Garrel pourront toucher mais ne reflètent aucunement le reste du long métrage, apparaissant finalement comme une succession de saynètes forçant l’émotion, par une écriture barbante et trop sûre d’elle.
Outre ses quelques scènes quelques fois émouvantes, Saint-Ex n’arrive pas à nous marquer et à force de vouloir accentuer les évènements avec la bande-originale, le réalisateur n’arrive qu’à nous lasser. La tension ne monte pas assez, ou du moins elle monte mal. Les musiques sont sans cesse dans le même ton, et sont constantes, et cela s’ajoute à des paysages très rébarbatifs : île, aérodrome, montagne, puis cela en boucle. Certains cadres nous apparaissent comme de beaux tableaux mais la construction n’est pas au point. Lorsque les avions prennent l’air, on n’y croit plus du tout : fond vert et mauvais effets spéciaux nous sortent du long métrage, et les quelques jolis paysages de la Cordillère des Andes ne suffisent pas à nous contenter… Lorsque nous sortons enfin de ce cadre, on nous emmène quelques années plus tard, et le film se termine, nous laissant sur notre faim. Cette volonté d’Aguëro de faire de Saint-Ex un film sortant des schémas de biopic dit “plus classiques”, ne le rend pas réussit pour autant. Lorsque récemment nous avions eu droit au Cercle des Neiges, Saint-Ex fait acte de pâle copie, retraçant la déambulation non pas de plusieurs hommes, mais d’un seul homme dans des paysages dangereux et enneigés, sans grand succès.
Tandis que le film semble être porté par trois grands comédien.ne.s, Garrel, Cassel et Kruger nous offrent des jeux assez médiocres qui ne concordent pas les uns avec les autres, particulièrement les dialogues entre Garrel et Cassel, qui sonnent faux, faussement émouvants, et faussements bien écrits. Une déception de taille lorsque ce casting nous mettait dans l’attente d’un trio impressionnant qui aurait dû crever l’écran.
Saint-Ex avait tout d’un biopic dramatique intéressant et palpitant sur la vie d’un écrivain talentueux, mais est au final un projet décevant, aux plans parfois impressionnants, mais qui ne finissent pas par nous captiver pour autant, le tout enrobé de dialogues trop écrits, et mal exploités par ces trois pourtant grands acteurs. Toutes ces petites failles nous sortent de ce qui avait tout d’une épopée épique à travers la Cordillère des Andes, mais sera (on l’espère) pour les plus grands fans d’Antoine, un film qui saura (peut-être ?) leur plaire.
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